Pokémon : Let’s Go Pikachu / Evoli

Pokémon Let’s Go est un remake des premiers jeux Pokémon, et notamment la version « Jaune Pikachu ». Il lui reste très fidèle dans l’esprit, et apporte seulement quelques touches de modernité ici et là, principalement inspirées par Pokémon Go, le jeu smartphone en « réalité augmentée ».

L’idée affichée du jeu est de chercher à séduire aussi bien les joueurs nostalgique qui ont connu l’opus originel à l’époque, que les joueurs de Pokémon Go qui pourraient vouloir basculer sur un jeu plus traditionnel.
En revanche, il faut bien garder en tête que les fans de la série ne sont pas tellement ciblés par cet épisode, car en revenant aux racines de la série, il retire beaucoup d’éléments ajoutés dans les derniers épisodes, notamment les activités annexes.

Dans l’ensemble, le « feeling » du jeu est très proche de l’épisode Jaune. La nostalgie est bien présente dès le début du jeu, qui est très agréable à parcourir. Si vous avez connu l’original durant votre jeunesse, attendez-vous à replonger en enfance en quelques minutes.
Les musiques sont modernisées mais très fidèles aux originales, les bruitages et « jingles » (lors de l’obtention d’un objet par exemple) sont identiques, les dialogues sont parfois retravaillés mais souvent totalement identiques, et la carte est composée de la même « grille ». Si vous connaissez un objet secret caché à un certain endroit, il y a de fortes chances pour qu’il soit disponible dans cette version également.
Quelques touches de modernité sont tout de même présentes dès le départ : par exemple, les déplacements du personnage sont libres et non plus contraints par la grille, et les types apparus avec les générations suivantes (acier, fée, ténèbres) sont présents, et les pokémons correspondants sont mis à jour : par exemple, Magneton est de type électrique/acier, Mélofée est de type fée, etc.
Sont également présentes les variantes « Alola » de certains pokémons, apparus dans les opus Soleil/Lune : Rattata ténèbres, Sabelette de glace, Taupiqueur acier, etc. Ils ne sont pas trouvables dans la nature, mais des PNJ répartis ici et là pourront vous échanger vos versions « normales » avec des versions « Alola ».

Le jeu a été calibré pour être agréable à jouer et « vivre », et cela se voit à beaucoup de niveaux : dans les couleurs pastel utilisées et les graphismes « doux » ; dans la possibilité d’interagir avec son starter pour le papouiller ; dans le ton général très « mignon » du jeu ; dans la possibilité de faire sortir un pokémon de son équipe de sa ball pour qu’il nous accompagne, parfois avec des animations assez drôles ; etc. C’est un jeu qui cherche à vous conforter et vous placer dans un nid douillet, pas à vous challenger et vous mettre à l’épreuve.
C’est un aspect assez réussi de manière générale, excepté sur certains points détaillés plus loin.

La principale différence avec les opus « traditionnels » se situe au niveau de la rencontre et de la capture des les pokémons sauvages. Au lieu de tourner en rond dans les hautes herbes jusqu’à déclencher une rencontre aléatoire, les pokémons apparaissent et se promènent sur la carte. Lorsque le personnage entre en contact avec l’un de ceux-ci, cela déclenche une phase de capture, qui se joue comme sur Pokémon Go, sans bataille, avec des pokéballs à lancer au bon moment, et qui donne de l’expérience à toute votre équipe de pokémons.

Le fait que les pokémons soient visibles est sans doute la meilleure évolution de la série. Cela retire un aspect extrêmement fastidieux de la capture : tourner en rond dans les hautes herbes en espérant tomber sur un pokémon rare, et en déclenchant des centaines de combats inutiles. Un gros point positif à ce niveau-là, donc.

La phase de capture en elle-même donne un résultat mitigé.
D’un côté, la « difficulté » de la phase de capture est déportée non plus au niveau des techniques utilisées (diminuer la vie, paralysie, sommeil, etc), mais au niveau de la visée et du timing de lancer de la pokéball. Ce n’est pas un changement que je considère mauvais, mais il est très différent du gameplay habituel.

En revanche, le côté négatif de ce changement, c’est qu’il devient assez pénible de faire monter ses pokémons de niveau. En effet, il n’est plus possible de combattre des pokémons sauvage pour acquérir de l’expérience, uniquement les capturer. Comme la capture est aléatoire, on se retrouve régulièrement à balancer des dizaines de balls pour rien et passer de longues minutes à acquérir zéro points d’expérience.

Heureusement, le jeu prend cet aspect en compte, et est généreux avec les points d’expérience et l’argent (pour acheter des balls), mais cela peut mener à quelques moments de frustration, particulièrement lorsque l’on souhaite changer la composition de son équipe en utilisant des bestioles d’un niveau largement inférieur aux autres.
Je suis plutôt d’accord avec la logique « pour capturer il ne faut pas taper », mais il aurait été apprécié d’avoir le choix lors de la rencontre, par exemple.

La seconde modification importante apportée par cet épisode est la connexion avec l’opus smartphone. Il est en effet possible de transférer des bestioles capturées dans Pokémon Go vers Let’s Go (mais pas dans l’autre sens).
Cette modification est finalement assez mineure. Le transfert se fait au Go Park, qui remplace le Parc Safari, situé environ au milieu ou aux deux tiers de l’aventure. Le reste du jeu n’en fait quasiment pas mention sauf en passant dans certains dialogues, et les pokémons précédemment exclusifs au Parc Safari se retrouvent répartis sur la carte.
La suppression du Parc Safari est d’autant plus dommage que rien n’empêchait d’avoir les deux côte à côte, mais personnellement je ne pense pas que ça nuise particulièrement au jeu dans son ensemble.

Il y a par ailleurs, ici et là, d’autres modifications assez mineures, mais qui contribuent à, disons, une amélioration de la qualité de vie, notamment à travers une diminution des actions répétitives et fastidieuses. Certains appelleront ça une simplification, mais la complexité des mécaniques n’est pas réduite, c’est uniquement leur usage qui est simplifié.

Par exemple, un chiffre « PC » (points de combat), issu de Go, apparaît sur les stats, mais c’est simplement une estimation rapide et synthétique qui regroupe l’ensemble des statistiques, qui sont toujours présentes.
Une fonction « juge » permet à tout moment de connaître les stats maximales du pokémon, afin de savoir si il est pertinent de chercher à le monter de niveau, ou si il vaut mieux en chercher un autre.
Avant de pouvoir entrer dans une arène, vous devrez montrer patte blanche, en prouvant que vous possédez un pokémon capable de vaincre le champion. Ca peut être un pokémon d’un certain niveau, ou d’un type particulier, par exemple. Une fois fait, pas besoin de l’utiliser, ça a plus valeur d’information que de contrainte : si vous devez montrer un pokémon niveau 40, vous vous doutez qu’avec une équipe niveau 30 vous allez avoir du mal.
Enfin, le jeu nous donne des pokémons rares de temps en temps via des NPC, comme les « starters » (bulbizarre, salamèche, carapuce) par exemple, avec de très bonnes stats à chaque fois. C’est très appréciable lorsque l’on n’a pas envie de passer des heures à fouiller les hautes herbes afin de compléter son pokédex, mais ça retire l’intérêt de les rechercher par soi-même. Toutes les bêtes rares ne sont pas données comme ça, heureusement.

Le « grind », faire des combats les uns à la suite des autres pour monter de niveau, a également beaucoup été diminué, grâce à deux choses.
Tout d’abord, toute votre équipe gagne de l’expérience, pas seulement le premier pokémon, que ce soit durant les combats ou les captures.
Ensuite, le jeu a été équilibré pour permettre d’avancer « en ligne droite », faire les combats contre les PNJ que l’on croise (qui ont des pokémons généralement d’un niveau équivalent aux votres) sans jamais rencontrer de « mur » avec une augmentation drastique de niveau.
Les seules entorses à cette règle, mais pas des moindres, sont les arènes, qui sont « typées » (une roche, une eau, etc) : si vous n’avez pas un pokémon du bon type avec le bon niveau, vous allez devoir tourner en rond dans les herbes et capturer des centaines de rattatas et de roucools pour faire monter de niveau le bon pokémon.

Cela dit, les PNJ croisés sont suffisamment nombreux pour faire monter de niveau vos pokémons. Ils ont généralement des pokémons variés, ce qui vous obligera à changer régulièrement de combattant, et évite d’avoir un pokémon avec 10 niveau de plus que les autres de l’équipe.
Vous croiserez parfois des « coachs », des PNJ spéciaux, qui ont des pokémons plus forts que la moyenne, avec des attaques parfois très fortes ou surprenantes. Préparez-vous bien aux combats contre eux… En récompense, vous obtiendrez généralement un objet rare.

Graphiquement, le jeu est très propre, et plutôt joli, même si assez simple. Ça ne fourmille pas de détails, les décors sont plutôt plats, mais c’est très fidèle aux originaux, et la patte graphique plutôt pastel est agréable à regarder.
Il y a tout de même quelques détails graphiques un peu poussés : les ombres sont projetées de manière réaliste et détaillée, le personnage écarte les herbes hautes quand il marche au travers, les buissons perdent des feuilles quand on les traverse en courant, les « arènes » de combat (la zone générique qui sert de décor durant les combats et captures) ont des modèles 3D détaillés en arrière plan… Ce n’est pas renversant, mais si on prend la peine de vraiment regarder ce qui est affiché, on se rend compte qu’il y a un vrai travail.

Techniquement, c’est étonnant au vu de ce qui est affiché, car le jeu subit des ralentissements relativement fréquents, ainsi que des « pauses » inexplicables dans la réflexion de l’IA durant un combat. Ainsi, il arrive que l’on attende une ou deux secondes que le jeu réagisse après avoir sélectionné son attaque. Ce n’est pas très impactant, mais on a du mal à comprendre ce qu’on attend.

Un mode 2 joueurs en coopératif peut être lancé à tout moment, chacun avec un joycon. Le second joueur utilise les pokémons du joueur principal, et les combats ainsi que les captures se font par conséquent en 2 contre 1, ce qui est totalement déséquilibré, et fait un peu office de « mode facile ». Le second joueur peut ensuite accompagner le premier sur la carte, mais il ne pourra pas interagir avec les PNJ ou le décor.

Enfin, un dernier point noir : l’interface est à revoir complètement. Il n’y a aucun raccourci, et globalement beaucoup trop de clics nécessaires pour un peu toutes les actions. Par exemple, la capture est extrêmement pénible à la longue : cliquer « lancer », lancer la ball, cliquer « lancer », lancer la ball, cliquer « baie », lancer la baie, cliquer « lancer », lancer la ball, etc.
C’est d’autant plus énervant que Pokémon Go fait les choses beaucoup mieux à ce niveau : une fois une baie lancée on revient immédiatement aux pokéballs, et on peut lancer des balls à la suite sans interruption. Cette nécessité de repasser par le menu à chaque fois, par un menu qui met parfois du temps à réagir qui plus est, est assez éreintant à la longue.
Il aurait d’ailleurs été facile de corriger ce problème : un raccourci pour les baies (une gâchette par exemple), et pas de retour au menu entre chaque ball, et la capture aurait été largement plus agréable.
Ce système fastidieux est probablement dû à la compatibilité avec le contrôleur « pokéball », qui ne possède qu’un seul bouton.
Sur la fin du jeu, les combats et captures à base de menus mous et peu réactifs sont franchement pénibles.

Enfin, côté durée de vie, le jeu n’est pas très dur dans l’ensemble, et je l’ai terminé en 45h avec un pokédex complété à environ 80% (en m’aidant de Pokémon Go), et sans avoir entamé le « post-game », qui est principalement composé de combats plus difficiles que dans le reste du jeu.

Pokémon Let’s Go est un RPG destiné avant tout aux nostalgiques de l’époque, à ceux qui découvrent la série, et aux joueurs de Pokémon Go, mais pas vraiment aux fans, qui trouveront sans doute le retour aux bases trop rude.

Verdict : bon