The Friends of Ringo Ishikawa

A la vue de vidéos de The Friends of Ringo Ishikawa, ou suite à son introduction, il serait facile de penser que c’est un jeu dans la veine de Kunio-Kun/River City Ransom, un beat’em up avec des éléments de RPG. Mais ce n’est en réalité qu’une partie du jeu, qui peut être plus ou moins présente selon vos désirs.

Vous allez suivre la vie de Ringo Ishikawa, un étudiant en dernière année de… on ne sait pas trop quoi, qui traîne avec ses potes aussi paumés que lui. Situé au Japon dans les années 80, vous n’allez pas pouvoir passer votre temps à jouer à Fortnite si vous vous ennuyez : dans votre chambre d’étudiant, vous n’avez même pas la télé, et en acheter une coûte une fortune. Zonard de son état, Ringo Ishikawa va donc passer son temps libre à péter les gueules des gangs rivaux du coin, ou étudier pour avoir son diplôme, selon vos choix.

Une session de jeu se déroule donc globalement selon le schéma suivant. Vous allez vous réveiller le matin, et sortir de chez vous. Traverser la ville pour aller acheter un truc à manger, ou rester affamé. Puis aller à l’école, si vous en avez envie. Ou bien vous entraîner à la salle de sport locale. Ou travailler au vidéoclub du coin. Ou vous balader avec vos potes dans les terrains vagues pour aller vous battre contre les gangs qui y traînent. Ou peut-être que vous déclencherez un événement qui vous emmènera faire quelque chose de spécifique : aller taper un gang rival, accompagner un pote à un rencard, ou juste se balader et discuter. Ou aller lire un livre à la bibliothèque, ou plutôt regarder Ringo lire un livre. J’en oublie, et je n’ai pas tout vu.

Vous l’aurez compris, les choix possible sont vastes, et votre expérience de jeu dépendra grandement de ceux-ci. Allez-vous essayer d’obtenir votre diplôme et réviser non-stop, ou monter en expérience de combat pour défoncer tout le monde en deux secondes ? C’est un concept intéressant et intrigant, et ça aurait pu être un très bon jeu… si on n’était pas aussi largué.

En effet, le jeu manque cruellement d’indications et d’aides, et ce à tous les niveaux. Qu’on n’ait pas de marqueur de quête, qu’on ne soit pas tenus par la main, etc, c’est très bien, ça contribue à une ambiance « qu’est-ce que je vais faire de ma vie ». C’est tout l’intérêt du titre.

Mais ne pas avoir de carte de la ville (qui est construite un peu au hasard) avec les principaux points d’intérêts ; ne pas avoir un carnet où l’on peut noter les horaires des activités possibles ou de certains rendez-vous pris qui ne sont jamais rappelés ; ne pas avoir d’alarme pour se mettre des rappels (le temps défile en permanence) ; ne même pas savoir qui sont nos potes et où ils traînent, ni même combien j’en ai ? Parfois on croise un PNJ, et on peut l’embarquer avec nous. Surprise, cet inconnu est en fait un ami d’enfance. On ne sait pas non plus comment on peut regagner de la vie. Manger ? Dormir ? D’ailleurs, qu’est-ce qui se passe si je ne mange pas, si je ne dors jamais ? Qu’est-ce qu’il y a derrière les portes qui ont des horaires affichés mais ne sont pas ouvertes ? Comment marche l’école, quelles notes suis-je censé avoir pour obtenir mon diplôme, à quelle date se termine-t-elle ? Je suppose que le personnage sait tout ça, mais nous, les joueurs, non. J’ai un livre dans mon inventaire, mais je ne sais même pas comment le lire. Apparemment j’en ai déjà lu un bout, mais je ne sais pas comment.

Tous ces manques d’informations importantes sont pénibles, rendent le jeu opaque, et ne contribuent à rien au niveau gameplay, immersion, ambiance.

De même, il n’y a aucun dialogue avec les PNJ en-dehors de quelques autres étudiants. Ça veut dire qu’on se bat beaucoup sans savoir contre qui ni pourquoi, et qu’on ne peut pas interagir avec les adversaires autrement qu’en les frappant. Qui sont ces gangs habillés de rouge, vert, violet, marron ? Lesquels sont alliés, neutres, ennemis ? Quelles factions sont plus ou moins remontées contre moi ? Quels PNJ sont susceptibles de m’attaquer à vue, lesquels vont me laisser tranquille ? Aucune idée. Je suppose que Ringo Ishikawa le sait, mais nous, joueurs, sommes laissés dans le brouillard le plus opaque. L’autre point négatif ce manque de dialogue, c’est le manque de motivation. Pourquoi devrais-je me battre contre eux ? Qu’est-ce qu’ils m’ont fait de mal ? Au final, on tape sur des mecs génériques, habillés de couleurs variées, sans savoir qui est qui, ni pourquoi ils nous attaquent. C’est presque aussi ennuyeux que d’attendre sans rien faire lorsque Ringo étudie ou travaille.

Malgré tout ça, The Friends of Ringo Ishikawa est un jeu plein de qualités.

Tout d’abord, niveau gameplay, le jeu est assez riche, et a des éléments RPG qui s’inspirent de Kunio Kun/River City Ransom : il y a un système d’expérience gagnée lors des combats, des statistiques (force poings/pieds, défense, stamina, etc) ; on peut aussi apprendre des coups spéciaux, des combos, etc. Lors des combats, les contrôles sont assez simples : poing, pied, et blocage. Le gameplay est radicalement différent de River City Ransom, et se concentre énormément sur les blocages. Maintenez la gâchette appuyée pour vous mettre en garde et bloquer certains coups ennemis (pourquoi pas tous d’ailleurs ?), sinon vous n’allez pas faire long feu, car eux ne se privent pas. Les combats de l’introduction seront faciles à gagner, mais ne vous y trompez pas, ça devient nettement plus difficile dès que vous êtes lâché en liberté.
Heureusement, on n’est pas obligé de se battre, et on peut courir pour s’échapper, ou passer à côté de rixes entre deux gangs sans forcément se faire agresser à chaque fois.

Il y a par ailleurs quelques mini-jeux (ping ping, billard, casino…) mais ils ne sont pas toujours intéressants ni très jouables.

Le peu d’histoire raconté est très bien écrit, les dialogues sont crédibles, et les personnages attachants. On a vraiment envie d’aider ses potes un peu paumés et à la dérive.

Les graphismes, un peu simples et grossiers, et répétitifs sur certains aspects (tous les étudiants ont le même corps avec un « palette swap » pour les différents gangs), font quand-même l’affaire, et sont parfois même surprenants, par exemple lorsque le soir tombe avec un coucher de soleil qui rosit le ciel par les fenêtres du bâtiment dans lequel on se trouve.

La musique est top, un peu « beats lofi », hip-hop zen. Le seul inconvénient est qu’elles ne sont pas toujours adaptées aux lieux : il arrive d’entrer dans un magasin, qu’une musique se lance, et qu’on ait à peine entendu l’introduction lorsqu’on en sort. Les musiques sont tellement sympas qu’on aimerait bien pouvoir les écouter un peu plus longtemps sans avoir à rester sur place sans bouger (et laisser le temps défiler). Je vous enjoins à en écouter un extrait sur Spotify : https://open.spotify.com/playlist/2i57SvR1GJVaN5qAtQGtk3

Mais dans l’ensemble, le rythme de The Friends of Ringo Ishikawa est extrêmement lent, et il s’écoule souvent énormément de temps sans qu’il ne se passe rien de significatif… voire rien du tout. Comme en plus on est totalement livré à nous-même et laissés à l’abandon, on a tendance à pas mal s’emmerder. C’est un style de jeu qui parlera probablement très fortement à une certaine catégorie de personnes (celles qui ont vécu des histoires similaires peut-être ?), mais à moi, pas du tout.

The Friends of Ringo Ishikawa est un mélange de beat’em up et de simulation de vie qui, en voulant laisser le joueur se débrouiller, a plutôt tendance à le perdre et l’ennuyer.

Verdict : correct