Final Fantasy X/X-2 HD Remaster

Il est toujours amusant de jouer pour la première fois à un jeu « mythique » de nombreuses années après sa sortie – 17 ans ici. Le temps s’est écoulé, seuls restent des souvenirs, qui sont souvent trompeurs, et les quelques personnes qui y ont rejoué récemment sont probablement influencés par leur nostalgie.

Ça laisse aussi le temps au contexte de changer, aussi bien vidéoludique, que culturel, et personnel : durant ces 17 années, les JRPG au tour par tour sont passés du statut de system sellers à raretés à tendance rétro ; la J-Pop, fortement présente dans X-2 est passée d’irritante à délicieusement désuette ; et moi-même, j’ai fini de m’agacer de la linéarité des JRPG et commencé à apprécier les histoires qu’ils cherchent à raconter.

Une petite note sur ce remaster : le travail graphique est très honnête, mais contrairement aux remasters des Final Fantasy 7/8/9/12, il n’y a aucune amélioration « quality of life » : pas d’accélération des combats ou des déplacements, pas de suppression des combats aléatoires, pas d’augmentation de gain d’XP ni de rééquilibrage, rien. On se retrouve donc avec des jeux qui datent du début du siècle, avec tout le game design d’époque qui demande de passer plusieurs dizaines d’heures à grinder encore et encore : 60h pour le premier épisode en ligne droite, et 35h sur le second à 75% de complétion.

Verdict : très bons

Final Fantasy X

Toutes ces années n’ont pas été tendres avec Final Fantasy X, tout remaster HD qu’il soit. Les personnages sont incroyablement raides, les animations sont souvent ridicules, et les cinématiques utilisant le moteur du jeu font vraiment cheap. Il n’y absolument aucun lipsync (ou plutôt, le lipsync est effectué sur les voix Japonaise), ce qui fait que les personnages ont souvent les lèvres qui bougent sans qu’aucun mot ne soit prononcé : c’est très déroutant. La caméra est fixe, les zones sont ridiculement petites avec des chargements toutes les 10 secondes, et malgré ça les décors sont simples…

Cela dit, les textures sont fines et bien restaurées, et dans l’ensemble, le jeu n’est pas vraiment moche. C’est juste faible techniquement, et en 2019, n’importe quel indé fait mieux techniquement en 15 jours. Les musiques, en revanche, sont excellentes, ce qui est attendu pour un Final Fantasy.

Mais tout ça, je m’en doutais, et à moins de refaire totalement le jeu, il aurait été difficile de faire autrement. Non, ce qu’il est intéressant de voir, c’est comment l’histoire et le gameplay ont vieilli.

Niveau histoire… commençons par le design. C’est très Japonais, très caricatural. Les personnages ont vraiment un look qui fait remonter tous les clichés du genre. Si vous êtes allergiques aux cheveux droits sur la tête et aux vêtements à multiples fermetures éclair, passez votre chemin.

Une chose revient régulièrement dans les critiques de ceux qui se rappellent vaguement du jeu : le personnage principal (Tidus) qui est une sacrée tête à claques. Et… il faut bien admettre que leurs souvenirs sont exacts. C’est un adolescent en pleine crise, plein d’exigences absurdes, avec un ego surdimensionné, bref, un chieur. Et cependant… l’écriture est bonne. Tidus évolue, grandit, change au fil de l’aventure. Et on se surprend à l’apprécier, et à lui vouloir du bien, après avoir voulu le défenestrer durant quelques heures.

Les autres personnages sont également très bien écrits, à la fois agaçants et touchants, et on s’y attache tout autant, même s’ils ne sont pas tous explorés à leur juste valeur. Leurs interactions sont cohérentes, la progression de leurs relations sont compréhensibles, et il n’y a pas de moment où l’on se demande pourquoi ils font ceci ou cela.

L’histoire en elle-même est assez originale, même si on ne comprend pas toujours grand-chose, et l’univers totalement ahurissant et parfois à la limite de l’absurde ; certains diront qu’on a franchi cette limite depuis longtemps.
Mais tout ça, pour un Final Fantasy, c’est classique.

Non, le problème principal de l’histoire, c’est avant tout sa grande linéarité. Pas seulement parce que le joueur n’a pas de choix sur le déroulement des événements (c’est habituel dans les JRPG), mais également parce qu’il n’y a quasiment aucun objectif secondaire, qu’on a des cinématiques interminables toutes les cinq minutes (n’oubliez pas de gigoter un stick de temps en temps pour que votre console ne passe pas en veille !), et qu’on suit des couloirs qui font 2m de large tout au long du jeu, sans aucune carte du monde à explorer librement, du moins pas avant la fin du jeu. Globalement, on a moins l’impression d’être tenu par la main que d’être ligoté et traîné de force contre notre gré.

Et à propos de dirigisme : si vous ne voulez pas subir une double peine, au début du jeu, choisissez le sphérier expert. En effet, de manière absurde, au tout début du jeu, avant même d’en avoir vu une seule image, et sans rien vous expliquer, celui-ci vous demande si vous préférez le sphérier « normal » ou « expert », ce qui ne peut pas être changé en cours de partie. Le sphérier normal rajoute une couche de dirigisme, en vous empêchant totalement de choisir comment vos personnages évoluent jusqu’à la toute dernière partie du jeu.

Ce sphérier, qui gouverne l’évolution de nos personnages, est un système intéressant et complexe. Au lieu de gagner de l’expérience qui fait monter les statistiques automatiquement, on gagne des points qui nous permettent de choisir nous-même quelles statistiques améliorer et compétences acquérir, en déplaçant un curseur sur une « grille » pour chaque personnage.

Le problème du sphérier normal est que la « grille » est en fait une série de traits parfaitement droits déguisés avec des tournicotis et des micro-branches. En effet, chaque personnage a son propre chemin (mage blanc, mage noir, voleur, guerrier, etc), et les chemins de la grille qui mènent vers les autres sont bloqués par des « verrous » dont vous n’obtiendrez les clés que dans la toute dernière partie du jeu. C’est pratique si vous ne voulez pas vous perdre et risquer de faire des personnages qui connaissent tout mais ne maîtrisent rien, mais c’est agaçant quand vous devinez une richesse de création de personnage qui vous est inaccessible derrière cette rigidité. Le sphérier expert est beaucoup plus libre, au prix d’une moindre possibilité de boost (il y a moins de noeuds au total), ce qui n’est utile que pour les complétionistes.

Outre cette linéarité du mode normal, ce système de sphérier a deux inconvénients majeurs.

Le premier, c’est qu’il ralentit énormément la progression. Comme on déplace un curseur point par point pour pouvoir améliorer ses personnages et débloquer des capacités, on va passer énormément de temps à grinder uniquement pour pouvoir avancer (ou reculer) le curseur. Ce n’est pas un arbre « libre » qui permet de d’activer des noeuds ici et là au gré de ses envies ; il faut réfléchir et planifier ses coups à l’avance, si on ne veut pas passer des heures à revenir en arrière pour annuler nos erreurs. La fin du jeu est particulièrement pénible, et on grinde énormément pour faire simplement demi-tour sur la grille pour un personnage qui a terminé son chemin principal.

Le second, c’est que le sphérier étant commun à tous les personnages, si l’on cherche à les améliorer au-delà de leurs chemins (ce qui est nécessaire pour le boss final et les gros boss facultatifs), on va vite se retrouver avec des personnages en doublon, voire tous identiques. Si on pousse le vice jusqu’au bout, et qu’ils remplissent tous la grille, ils auront tous accès à toutes les capacités, et auront tous les mêmes statistiques. Une armée de clones.

Niveau combats, le tour par tour classique (pas de semi-temps réel ici) demande de réfléchir un minimum aux forces et faiblesses des ennemis et de nos personnages, même contre des ennemis de base, et bourriner ne vous mènera nulle part. Les combats de boss peuvent s’avérer plutôt difficiles parfois, mais c’est souvent dû en grosse partie au grind pénible : dans la plupart des JRPG, il suffit de grinder « jusqu’au niveau X », alors qu’ici, il faut faire au feeling : avancer ce personnage jusqu’à une sphère de points de vie, celui-là jusqu’à une sphère de force, etc.

La (relative) difficulté des boss est d’ailleurs très pénible, car, comme tous les Final Fantasy, à chaque game over on se retape tout, depuis la cinématique d’introduction, le chargement du menu principal, le chargement de la sauvegarde, les cinématiques de dialogue de début de boss, etc. C’est parfois assez rageant, surtout quand un boss a une attaque « surprise » qui tue toute l’équipe en un seul coup au milieu d’un combat assez long.

Enfin, grosse déception sur la fin de l’histoire, qui se termine en eau de boudin, sans conclure les arcs des personnages, sans dialogue révélateur, sans rien. Il ne se passe rien. Le grand méchant, dont on a appris l’existence il y a 2h, et qui n’a pas dit un seul mot depuis, disparaît à la suite d’un combat ridicule et inutile. Fin du jeu. Déception.

Final Fantasy X-2

Final Fantasy X-2 est la suite directe de Final Fantasy X, la première du genre dans la saga Final Fantasy, qui se déroulent habituellement dans des univers différents.

La première chose qui frappe quand on sort de l’épisode précédent, c’est le changement radical d’ambiance. Là où FFX est très sérieux, ambiance fin du monde, avec de la musique classique, une histoire dramatique, un jeu au tour par tour, etc… FFX2 a un ton léger, des filles « girls power », des concerts de J-pop, de la musique funky, un gameplay très dynamique, etc.

Tout ça donne une ambiance très spéciale, avec un traitement des personnages qui les rend très caricaturales : Yuna l’ingénue, Rikku la gentille écervelée, ce qui ne colle d’ailleurs pas du tout à son caractère à la fin de FFX, et Paine la forte et silencieuse. Elles vont régulièrement prendre des poses dignes d’un mauvais anime, et les animations des cinématiques sont souvent pathétiques. Si on ajoute les transformations dignes de Sailor Moon lorsque l’on change de job, ça donne un jeu très ancré dans son époque, et il faut régulièrement se rappeler de replacer le jeu dans son contexte lorsque l’on subit un moment de gros malaise, ce qui arrive assez régulièrement.

Le contenu de FFX2 est identique au premier : la carte du monde, les environnements, les monstres, les personnages, tout est repris. En revanche, le gameplay n’a rien à voir : le tour par tour est remplacé par de l’ATB tiré des épisodes précédents et étoffé, le sphérier est remplacé par un système classique de gain de niveaux, les personnages utilisent un système de jobs qui se base sur une variante « light » du sphérier, et la capture de monstres, à peine évoquée du bout des lèvres dans FFX, est ici mise en avant dès le début du jeu, tout en restant totalement facultative.

Là où FFX était extrêmement linéaire, FFX2 est totalement libre et ouvert : toute la carte du monde est ouverte dès le début du jeu, et l’on peut modifier ses personnages à loisir à n’importe quel moment, grâce à ce système de jobs très intéressant.

Le système de jobs fonctionne ainsi : on a différentes grilles (« palettes ») avec différentes formes et nombre d’emplacements, qu’on assigne aux personnages. Sur chaque grille, on va placer des jobs/tenues (« vêtispheres ») comme on veut : guerrier, voleur, mage blanc/noir, etc, qui ont des capacités à apprendre au fil des combats. On assigne une grille à un personnage, et durant le combat on peut changer d’un job à un autre à tout moment, ce qui permet de s’adapter aux situations. C’est déjà un système intéressant, mais on y ajoute des capacités spécifiques aux grilles, dont certaines à activer en parcourant certains chemins, et des « ultimates » à activer quand on parcourt tous les jobs d’une grille, et des jobs parfois très originaux et uniques, ça devient vraiment très riche.

Toutes ces subtilités accumulées en font un système complexe et dynamique, et bien qu’on puisse globalement s’en passer et terminer le jeu avec 3 grilles et les jobs de base, il compose une grande partie de l’intérêt du jeu, même si, soyons honnêtes, vous choisirez probablement une configuration optimale de jobs et n’en changerez ensuite que rarement.

Le résultat, c’est que toutes mes critiques sur la linéarité et la mollesse de FFX sont corrigées par cet épisode, mais que l’histoire est sensiblement inférieure. Le principal reproche qu’on peut faire au gameplay, c’est son côté parfois brouillon, avec des informations un peu partout, et des persos qui tombent KO sans qu’on ait vu pourquoi.

Graphiquement, X2 est aussi largement supérieur à X, avec des modèles beaucoup plus détaillés et expressifs, mieux animés, et moins rigides. Les décors sont identiques à quelques détails près, et même les vidéos en précalculé sont de meilleure qualité et plus longues.

Au chapitre des critiques, je citerai de gros morceaux d’histoire cachés dans des missions secondaires, de nombreux mini-jeux tous plus nuls les uns que les autres, et quelques pics de difficulté assez étonnants alors que l’ensemble du jeu est plutôt facile.

Final Fantasy X-2 Last Mission

FFX2 Last Mission est un roguelike, un dungeon crawler dans le style Mystery Dungeon : on se déplace sur des cases au tour par tour, dans un donjon généré aléatoirement avec des salles et des couloirs, des ennemis, des pièges et des objets à ramasser. Comme dans tout roguelike, quand on perd (ce qui arrive inévitablement) on se retrouve à l’extérieur, en ayant tout perdu : XP, argent et objets. Il y a un système qui permet de conserver quelques objets à chaque essai, mais globalement, c’est hardcore et punitif. Les systèmes de FFX2 sont de retour, notamment avec les sphères de jobs, qui cette fois-ci peuvent se cumuler. Ça en fait un roguelike original, complexe et complet.