L’histoire des jeux d’aventure

Tout comme les shmups, l’origine des jeux d’aventure peut être retracée aux ordinateurs « mainframe » de plusieurs tonnes trouvables dans les universités et centres de recherche. Leur disponibilité est donc très réduite, mais leur influence est tout aussi considérable. Deux acteurs majeurs se font concurrence dans les années 80 et 90, Sierra On-Line et Lucas Arts, avec deux approches différentes du jeu d’aventure ; ils ne survivront malheureusement pas aux années 90.

Les jeux d’aventure les plus influents sont King’s Quest et ses graphismes avancés (pour l’époque) ; Déjà Vu et son interface évoluée ; Maniac Mansion et son design « permissif » ; et Myst qui se contente d’une série de puzzles presque sans histoire autour.

Les jeux d’aventure ont suivi une évolution assez directe depuis les jeux purement textuels jusqu’aux point & click, puis tombe en désuétude au milieu des années 90. Il reviendra bien plus tard sous la forme d’histoires interactives, de « walking simulators », et de puzzles games type « escape the room ».


Jeux textuels, point & click

Sauf exception, tous ces jeux d’aventure sont sortis sur les PC de l’époque.

Colossal Cave Adventure (1976) est le premier jeu d’aventure purement textuel, développé sur des mainframes d’universités, où l’on tapait des commandes pour pouvoir avancer.

⭐ Zork (1977/1980, Infocom) est le premier jeu commercial dans le genre et, grâce à son succès, sera l’inspiration d’un bon nombre de clones, qui restent populaires encore aujourd’hui dans un petit cercle restreint d’amateurs.

Mystery House (1980, Sierra On-Line) est le premier jeu d’aventure textuel qui affiche des illustrations, certes rudimentaires.

Wizard and the Princess (1980, Sierra On-Line), du même développeur, ajoute de la couleur aux illustrations.

⭐ King’s Quest (1984, Sierra On-Line) est le premier jeu d’aventure avec des animations en pseudo-3D, avec le personnage qui peut passer derrière des éléments du décor. Le jeu ne sera pas un grand succès commercial La série aura de nombreux épisodes, et inspirera d’autres séries du même éditeur en 1987, notamment Space QuestPolice Quest et Leisure Suit Larry.

Enchanted Scepters (1984, Silicon Beach) est le premier à utiliser une interface point & click, même si on utilise le clavier pour le faire. C’est la fin des jeux purement textuels, du moins au niveau commercial.

⭐ Déjà Vu (1985, ICOM) utilise son support révolutionnaire, le premier Macintosh, pour repenser totalement l’interface : système verbe/objetdrag & drop et double-clicsystème d’inventaire à tiroirs. Tout cela sera repris par la suite par à peu près tous les jeux du genre.

⭐ Maniac Mansion (1987, Lucas Arts) permet d’alterner entre plusieurs personnages n’importe quand, a plusieurs fins, et énormément d’humour absurde. C’est le premier jeu d’aventure avec un design permissif : il est difficile de perdre, le joueur n’est pas puni lorsqu’il fouille partout, et il n’est pas nécessaire de revenir loin en arrière quand on n’a pas trouvé un objet ; cette philosophie se répandra dans le genre pour le rendre beaucoup plus accessible. C’est par ailleurs le premier jeu utilisant le moteur SCUMM réutilisé sur tous les jeux d’aventure Lucas Arts pendant des années : Indiana JonesLoomMonkey IslandSam & MaxFull ThrottleThe Dig, etc.

Shadowgate (1987, ICOM) est un jeu notable pour sa grande difficulté, avec des milliers de possibilités de mourir, et parfois plusieurs solutions aux puzzles.

King’s Quest IV (1988, Sierra On-Line) change le moteur de la série (et des séries « associées » comme Space Quest) pour utiliser la souris, afficher des illustrations de qualité largement supérieure, et c’est un des premiers jeux à supporter les cartes son sur PC ; précédemment les sons sur IBM PC étaient générés par le « buzzer » interne.

Quest For Glory/Hero’s Quest (1989, Sierra On-Line) se joue comme les autres jeux d’aventure Sierra, mais inclut des éléments de RPG : des classes qui influent sur les quêtes accessibles et la résolution des puzzles, des statistiques, des combats, de l’expérience et des niveaux, ainsi qu’un cycle jour/nuit et la nécessité de manger.

⭐ The Secret of Monkey Island (1990, Lucas Arts) est le premier jeu d’aventure où il est impossible de perdre (à une exception près). Il est également parmi les premiers à avoir un arbre de dialogue.

Rise of the Dragon (1990, Sierra On-Line) change l’interface des point & click « traditionnels » en remplaçant le menu d’actions par un curseur contextuel, qui sera repris partout quelques temps plus tard.

The Secret of Monkey Island II (1991, Lucas Arts) introduit un moteur audio qui permet des transitions, appelé iMUSE, qui sera utilisé sur à peu près tous les jeux Lucas Arts par la suite ; il se passera plusieurs années avant que la concurrence réussisse à le copier.

Gabriel Knight: Sins of the Fathers (1993, Sierra On-Line) a un scénario « noir », sérieux et sombre, qui semble plus orienté vers les adultes que les jeunes, et dénote face à tous les jeux Sierra ou Lucas Arts bourrés d’humour. Il introduit aussi des nuances dans les actions : plutôt que de « parler », il est possible de discuter ou d’interroger, mais cela crée aussi une certaine complexité.

⭐ Sam & Max Hit the Road (1993, Lucas Arts) est le premier Lucas Arts à utiliser un curseur contextueldéplace l’inventaire dans un menu masqué, et donne des choix de dialogue par icônes plutôt que par texte. Ces changements qui semblent anodins permettent d’afficher les illustrations en plein écran.

⭐ Myst (1993, Cyan) a des graphismes précalculés incroyablement détaillés pour l’époque avec un style mélangeant des éléments réalistes et oniriques, introduit un concept de narration environnementale sans texte en étant centré sur les puzzles, et c’est le premier jeu distribué uniquement sur CD-ROM. C’est aussi un jeu qui contribue à changer la perception des « jeux vidéos pour enfants », en touchant aussi un public plus large et plus âgé, et est ainsi le jeu le plus vendu de tous les temps pendant plusieurs années. Le succès de Myst est à double tranchant, et l’armée de clones qui en découle innonde le marché, et beaucoup de petits studios sont contraints de fermer leurs portes.

Under a Killing Moon (1994, Access) est le premier point & click FMV, même si ce n’est pas le premier jeu FMV, genre inventé dans les années 70 et prolifique dans les années 80 sur LaserDisc. Il sera suivi par une litanie de jeux du genre, jusqu’à la fin des années 90 et l’arrivé massive de la 3D temps réel.

The Last Express (1997, Broderbund) est le premier point & click qui se déroule en temps réel, une histoire à embranchements, aidé par un mécanisme de retour dans le temps, et des histoires uniques pour chaque passager qui se rappellent tous de nos actions. Le jeu affiche des animations rotoscopées, marque de fabrique du réalisateur Jordan Mechner (Prince of Persia).

Blade Runner (1997, Westwood) propose une intrigue inspirée du film et du livre, et c’est le premier du genre à mélanger personnages en 3D et fonds précalculés pour une ambiance très réussie.

Grim Fandango (1998, Lucas Arts) abandonne le contrôle à la souris pour diriger le personnage comme dans un jeu d’action, même si ce n’est pas très réussi ni très pratique.

⭐ Fahrenheit/Indigo Prophecy (2005, Playstation 2, Quantic Dreams) est le premier jeu d’aventure qui fonctionne principalement à base de quick time events, et préfigure l’évolution du genre vers des jeux où l’on interagit avec une histoire qui nous est racontée, plutôt que d’être un véritable acteur.


Visual novels

Les jeux d’aventure ont connu une évolution parallèle en occident et au Japon, avec très peu d’influence les uns sur les autres : les objectifs sont similaires, mais les moyens sont totalement différents. Notamment, les PC Japonais ont une résolution très largement supérieure, nécessaire pour afficher les caractères Japonais de manière lisible, et souvent beaucoup plus de couleurs affichables. La différence en terme de capacités graphiques permet donc aux Japonais d’avoir des jeux d’aventure avec d’immenses images magnifiques et un peu de texte, alors que les jeux occidentaux doivent souvent se contenter de texte agrémenté d’une image moche.

Night Life (1982, Koei) et Seduction of Condominium Wives (1982, Koei) sont des jeux d’aventure, parfois avec quelques éléments RPG, avec du contenu érotique, et marqueront les débuts d’une longue tradition Japonaise d’inclusion d’érotisme dans leurs jeux d’aventure.

⭐ Portopia Serial Murder Case (1983, Enix) est un jeu majeur et fondateur du genre. Son déroulement est non linéaire, avec un open world à explorer, des mystères à résoudre, de nombreux PNJ, des dialogues à embranchements, et de multiples fins. La version Famicom (1985) ajoute un curseur qui permet de chercher des hotspots, comme les point & click de l’époque.

Legends of Star Arthur Planet Mephius (1983, T&E Soft) est le premier point & click Japonais, un an avant Enchanted Scepter en occident.

Will: The Death Trap II (1985, Square) est le premier jeu Japonais d’aventure sur ordinateur avec des images animées.

Suisho no Dragon (1986, Famicom, Square) affiche également des images animées, mais surtout des menus avec des icônes plutôt que du texte.

⭐ J.B. Harold Murder Club (1986, Riverhill) innove avec un système de multiples réponses avec des tons et objectifs différents (agressif, amical, etc). Ce sera le premier épisode de la série la plus vendue dans le genre.

Reviver: The Real-Time Adventure (1987, Arsys) se déroule en temps réel, avec un cycle jour/nuit, et des PNJ qui vivent leur vie et ne sont pas toujours disponibles.

⭐ Snatcher (1988, Konami), réalisé par le fameux Hideo Kojima, a une réalisation de très haute qualité technique, un excellent scénario, des doublages, et une base de données ingame qui développe l’univers. Il ne sera localisé en occident qu’en 1994, notamment sur Mega CD.

Policenauts (1994, Konami) propose des doublages quasi-systématiques, et un résumé de la progression quand on charge une sauvegarde.

EVE Burst Error (1995, C’s Ware) donne la possibilité de passer d’un protagoniste à un autre n’importe quand plutôt que de devoir terminer un scénario/chapitre pour en commencer un autre, et de les jouer en simultané, ce qui est d’ailleurs nécessaire pour terminer le jeu.

⭐ YU-NO: A girl who chants love at the bound of this world (1996, Saturn, Elf Co) a une histoire non linéaire, avec des univers parallèles et du voyage dans le temps, et permet de visualiser les branches de possibilités, ce qui fait que le public veut des histoires plus complexes dans les visual novels. C’est un jeu majeur du genre, qui influencera la création de tous les suivants.

Ace Attorney (2001, GBA, Capcom), aussi appelé Phoenix Wright lors de sa localisation sur DS, relance l’intérêt pour le genre, et de nombreux visual novels sur DS connaîtront le succès, notamment Professor Layton (2007, DS)