The Pathless

The Pathless est un jeu d’exploration, de puzzles, d’action et même un peu d’infiltration, par les développeurs de Abzu, que j’avais beaucoup aimé.

The Pathless débute dans un monde qui sombre progressivement dans la noirceur : les esprits-animaux protecteurs appelés Grands Anciens ont disparu, et aucun Chasseur précédemment envoyé enquêter sur l’île où ils résident n’est revenu ; on incarne la dernière existante, le dernier espoir pour sauver le monde, rien que ça. On apprend rapidement que c’est un être qui se fait appeler le Déicide qui les a corrompu, et on devra trouver le moyen de restaurer l’ordre naturel. L’ambiance semble fortement inspirée des mythologies Amérindiennes : les esprits d’animaux qui servent de totems protecteurs, les voix qui semblent être dans une langue native, et les musiques d’inspiration tribales, avec un mélange d’instruments traditionnels et modernes et de chants gutturaux, et tout aussi excellentes que celles de Abzu, du même compositeur. Le tout est plutôt stylisé, avec des modèles simples et assez « low poly », et de grands aplats de couleurs pour représenter le sol ; j’en aime beaucoup l’aspect, mais cela ne plaira pas à tout le monde.

La boucle de gameplay se répète dans 4 environnements : on commence par chercher des artefacts en résolvant des puzzles répartis sur la carte, on utilise ces artefacts pour purifier trois tours, ce qui nous permet d’affronter le boss. Pendant qu’on explore, le boss de la zone est représenté par un nuage rouge, et si on entre dans ce nuage on doit effectuer une séquence d’infiltration pour en ressortir et continuer à résoudre les puzzles. Purifier le boss permet de débloquer le passage vers la zone suivante, dans laquelle on recommence. Tout cela n’est pas explicité, mais le jeu se débrouille très bien pour nous faire tout comprendre sans mettre un seul message de tutoriel.

Le jeu se base énormément sur l’exploration : les cartes sont vastes et ouvertes, de type « open world découpé », avec des zones inaccessibles avant d’avoir complété la précédente, mais avec la possibilité de revenir dans une zone précédente. On y cherche les puzzles, marqués en rouge lorsque l’on passe en « vision d’aigle » pour ne pas tourner en rond, ce qui est appréciable puisqu’il n’y a pas de carte ni de marqueur quelconque : à nous de se définir un objectif et de trouver notre chemin pour y accéder. Malheureusement les environnements manquent un peu de repères visuels : difficile de faire la différence entre une ruine sur une colline et une autre ruine sur une colline ! Il m’est plusieurs fois arrivé de me perdre en chemin et de ne pas retrouver ce que je visais à l’origine, d’autant plus que visuellement c’est assez peu varié, avec des zones plutôt uniformes en terme de look et de topographie, y compris d’une zone à l’autre : on passe de colline avec des bosquets à des collines avec des forêts, puis des collines avec des forêts de séquoias rouges.

Se déplacer dans les niveaux révèle la plus grande force de The Pathless : le gameplay des déplacements. Par défaut, le personnage se déplace plutôt lentement ; un peu partout dans les niveaux sont disposées des cibles rouges, sur lesquelles on peut tirer d’une seule touche sans viser tant qu’elles sont à portée, même dos à la caméra, avec des flèches qui touchent toujours leur cible, à moins d’un obstacle. Cela charge une barre d’endurance, qui permet de courir à une vitesse moyenne, au vu des distances à parcourir ; lorsque l’on tire sur une cible en courant, on obtient un boost de vitesse fort mais court, et plus puissant si on arrive à tirer pile quand le marqueur de tir n’est qu’à moitié rempli. Ce boost permettra d’accéder à une autre cible pour maintenir sa vitesse, et d’effectuer un saut supplémentaire si on est déjà en l’air, ce qui donne la possibilité de parcourir des centaines de mètres sans toucher le sol si on s’accroche à l’aigle qui nous accompagne. Le jeu consiste donc à maintenir sa vitesse, enchaîner les tirs, les boosts, timer ses tirs et ses sauts pour monter le plus haut possible, ce qui est extrêmement grisant, gratifiant, et… c’est tout. Il n’y a aucun ennemi à affronter, les chutes de dizaines de mètres ne nous font pas de dégâts, il y a très peu de zones inaccessible sans maîtriser les déplacements, et c’est généralement contournable en augmentant le nombre de « battements d’ailes » de l’aigle grâce à des points d’expérience trouvables un peu partout : ce n’est donc pas pour le challenge qu’il faut jouer à ce jeu.

Je l’ai déjà rapidement évoqué, les zones de The Pathless sont ponctuées de puzzles qui se résolvent tous avec l’arc : généralement des ruines avec des torches à allumer, des interrupteurs à atteindre, des cercles alignés à enchaîner, des poids à déplacer, etc. Les tirs étant là aussi grandement automatisés, il suffit de vaguement aligner plusieurs cibles pour qu’elles soient toutes touchées d’un seul tir ; le jeu demandera d’utiliser un bon timing avec des cibles mouvantes sur la fin, mais ça ne va pas vraiment au-delà en terme de difficulté d’exécution. Rarement difficiles mais souvent intéressants, les puzzles sont parfois un peu répétitifs car tous basés sur la même fondation (le tir à l’arc) ; au moins, comme il y a plus que nécessaire pour progresser, si l’un d’entre eux vous bloque ou vous ennuie, vous pouvez aller en chercher un autre.

Une fois toutes les tours purifiées, il est temps d’affronter le boss. Le déroulement est toujours similaire : tout d’abord une phase de course-poursuite durant laquelle on utilise les boosts de vitesse pour s’en rapprocher pendant qu’il court, on tire quelques flèches sur ses points faibles, et on évite les boules de feu qu’il nous envoie. On l’affronte ensuite dans une arène, à éviter ses coups et continuer à tirer sur ses points faibles lorsqu’il est vulnérable. La troisième phase est un peu plus variée d’un boss à l’autre : c’est parfois une autre phase de combat, parfois un peu de pseudo-infiltration à esquiver des attaques de zone en se glissant derrière des protections avec le bon timing, etc ; ces phases sont plus ou moins réussies en fonction des boss, mais sont globalement sympathiques. Il faut quand-même savoir qu’il n’est pas possible de perdre : se faire trop taper dessus nous projettera simplement en-dehors de l’arène, il faudra recommencer la phase actuelle, et c’est tout, y compris face au boss de fin.

Avant de purifier les trois tours, durant les phases d’exploration, le boss est représenté par un gros nuage rouge, qui se déplace en se « téléportant » aléatoirement : si on s’en rapproche trop (ou s’il se téléporte à côté) il nous « aspire », sauf si on arrive à s’échapper, ce qui n’est vraiment pas facile. Le jeu passe alors en mode « infiltration » : le personnage reste accroupi et se cache derrière le décor pour récupérer son aigle qui a pris peur ; pendant ce temps, le boss patrouille la zone, et s’il nous repère il nous frappe d’une manière impossible à éviter, ce qui nous projette hors de la zone et nous fait perdre quelques points d’expérience. Ces phases sont franchement ratées : on passe de déplacements fluides et rapides à une lenteur extrême, on ne peut même pas sauter ou trottiner pour se cacher derrière un muret, et le boss nous repère parfois à 30m de distance. Mais surtout, il disparaît et réapparaît aléatoirement, et il est très fréquent qu’il apparaisse tout simplement juste devant nous dès le début de la phase : on ne peut rien faire d’autre que perdre, heureusement pas grand-chose, mais c’est très frustrant, d’autant plus que réussir l’épreuve n’apporte rien : le nuage rouge réapparaît aussitôt un peu plus loin, on ne gagne même pas cinq minutes de tranquillité.

Avec quelques ajustements (plus de mobilité, une meilleure récompense), ces passages auraient pu être intéressants en rajoutant une forme de pression que l’on n’a pas lorsqu’on explore, et par exemple un système de risque/récompense : prenez le risque de perdre de l’XP, gagnez du temps de tranquillité. Malheureusement, ce côté très aléatoire et sans récompense se résume trop souvent à juste perdre de l’expérience durement acquise de manière arbitraire et sans recours ; heureusement, ce n’est pas très fréquent (j’ai dû avoir une phase dans chacune des zones) mais ça entache sérieusement un tableau plutôt sympathique par ailleurs.

Techniquement, The Pathless est plutôt fluide à quelques exceptions : le jeu tombe parfois à 10fps à certains endroits (sur Switch en mode portable), de manière assez inexplicable. Certaines zones sont également assez sombres, et sans réglage de gamma, il est difficile de se repérer. Les textes sont tous traduits en français. J’ai fini le jeu en 4h, en ne résolvant aucun puzzle non-nécessaire. On doit pouvoir multiplier par 2 ou 3 si on cherche tous les secrets et la « bonne fin », qui est juste quelques secondes de cinématique supplémentaire après les crédits.

The Pathless est un jeu très sympathique, avec des déplacements originaux et grisant, des puzzles sympathiques, et des affrontements de boss intéressants. Malheureusement les phases d’infiltration complètement ratées viennent ternir le tableau, ce qui m’empêche de le recommander sans réserves.

Verdict : honnête