Taito Milestones est une compilation de dix jeux d’arcade Taito sortis entre 1982 et 1987. Milestone veut dire « borne » ou « jalon », ça représente donc une étape importante, on pourrait penser qu’il n’y aura que des jeux importants… et pourtant.
C’est la première compilation du genre sur Switch (il y en a trois au total maintenant) : elle a rendu les gens perplexes à sa sortie, car elle ne comporte quasiment aucun jeu important, et beaucoup d’inconnus, mais à ce moment-là, on ne savait pas encore qu’ils allaient continuer à en sortir. Ne rêvez pas cependant : il n’y aura jamais Space Invaders dans cette collection, puisqu’ils ont droit à leur propre compilation.
Il faut savoir une chose : c’est juste une compilation des jeux disponibles à l’unité sur la gamme Arcade Archives, malheureusement sans les modes high score ni time attack. Sachant qu’un jeu Arcade Archives est à 8€ (et rarement en promo), l’intérêt financier de la compilation dépendra du nombre de jeux qui vous intéressent et du prix auquel vous la trouverez : à 40€, à partir de cinq jeux qui vous intéressent, vous êtes gagnants. Cela dit, personnellement j’ai beaucoup aimé pouvoir découvrir des jeux que je n’aurais jamais acheté individuellement, et même si ce ne sont pas toujours les meilleurs du monde, j’apprécie de pouvoir essayer quelque chose facilement, comme dans une salle d’arcade où on peut mettre quelques pièces dans une machine pour faire une partie sans y investir trop. Plus le fait que ce soit une version physique, bien sûr.
L’émulation est faite par Hamster, et est donc d’excellente qualité, avec les options standard comme les save states, tous les dip switchs, un classement en ligne des scores, et parfois avec des petites options en plus – dans cette sélection, seul Ninjawarriors permet de simuler le fait que les multiples écrans du jeu n’aient pas le même réglage de couleurs ou ne soient pas bien alignés. La gamme n’a aucun bonus, c’est vraiment light et c’est vraiment dommage de ne pas avoir ne serait-ce qu’un simple contexte de sortie, pourquoi ce jeu est important, qu’est-ce qui fait qu’il a été choisi plutôt qu’un autre, etc. Il n’y a même pas la date de sortie !
Alpine Ski (1982) : un jeu de ski en vue de dessus, un peu comme SkiFree pour ceux qui ont connu Windows 95, mais dans lequel on se dirige vers le haut. On slalome entre les arbres et les rochers, et on essaye de récolter le maximum de bonus de points dans le décompte de temps – chuter ne fait pas perdre de vie, juste du temps. C’est très basique et n’intéressera que les chasseurs de high score, mais ce n’est pas désagréable à jouer et a un certain charme.
Wild Western (1982) : un jeu d’action dans lequel on incarne un shérif, qui doit protéger un train de l’assaut de bandits. Sur son cheval, on doit slalomer entre les tirs et les obstacles, orienter son tir à l’aide du stick droit (un spinner dans le jeu arcade original) pour éliminer tous les membres du gang, et grimper sur le toit du train pour éliminer les bandits qui y montent – après trois bandits, c’est game over. Les niveaux sont tous construits sur un principe similaire : une chevauchée en plaine le long du train avec un groupe d’ennemis, on traverse un élément de décor – un fort ou un pont par exemple – puis on continue sur la plaine. C’est très simple, un peu répétitif, pas très maniable, et pourtant quand on commence à comprendre le fonctionnement il y a un petit quelque chose qui lui donne du cachet. Comme Alpine Ski, je ne l’aurai pas acheté individuellement mais je suis content de pouvoir y jouer dans cette compilation, qui plus est avec des contrôles adaptés, car les spinners sont vraiment difficiles à émuler sur Mame.
Front Line (1982) : un des premiers « run & gun vertical » de l’histoire, assez proche de Commando dans l’idée, ou plutôt de Ikari Warriors avec là aussi le second stick qui permet de diriger le tir indépendamment de la direction de déplacement. Malheureusement le level design est infect avec des ennemis qui apparaissent et tirent aléatoirement, sans discontinuer, de partout, ce qui rend le jeu atrocement difficile, en plus d’être assez moche et basique.
⭐ Qix (1981) : un classique parmi les classiques, qui a engendré des dizaines de clones, en particulier dans la famille des jeux érotiques (où on devait dévoiler une image). On contrôle un curseur qui de déplace le long des bordures d’un rectangle ; appuyer sur un bouton permet de tracer des lignes sur l’espace de jeu, et refermer la surface dessinée permet de réduire la surface au centre du rectangle. Pendant ce temps un ennemi, représenté par des lignes, se déplace au milieu, et s’il touche une ligne que l’on trace avant qu’on la referme ça nous fait exploser. Des étincelles se déplacent également le long des bordures et nous font aussi exploser si elles nous touchent. L’objectif est de réduire au maximum l’espace disponible au centre, ce qui nous fait passer au niveau suivant, qui est la même chose mais en plus rapide. La combinaison de principe simple à comprendre, de stratégie à élaborer tout en s’adaptant aux multiples dangers, de rythme intense juste comme il faut, et de graphismes abstraits qui donnent un côté non-violent, en font un jeu qui ne vieillit pas et reste excellent après toutes ces années, avec ce petit côté « encore une partie » où on s’améliore à chaque fois.
Space Seeker (1981) : un shooter multi-modes, dans lequel on alterne un déplacement de curseur sur une carte, des combats de tourelle contre des flottilles ennemies en mode gallery shooter, et des assauts sur des bases en scrolling latéral, mais dans lequel les ennemis se déplacent à toute allure de manière erratique, alors que le moindre contact avec le moindre élément de décor (même les nuages) nous fait perdre. Le concept est intéressant, mais la réalisation n’a clairement pas les moyens de ses ambitions.
⭐ Elevator Action (1983) : encore un grand classique : on se déplace dans un immeuble à l’aide d’ascenseurs (d’où le nom…) et d’escaliers, on tire sur les ennemis qui sortent d’un peu toutes les portes, et on va récupérer des documents secrets dans les portes rouges. En arrivant en bas on peut s’échapper, puis recommencer dans l’immeuble d’après, qui aura une structure plus complexe. C’est très simple mais très efficace, et toujours aussi prenant.
Chack’n Pop (1983) : un platformer d’élimination qui a le look de Bubble Bobble mais avec quelques années d’avance. Le principe est de sortir du labyrinthe en ouvrant la sortie grâce à la libération de cœurs enfermés dans des cages, mais le gameplay est tout simplement catastrophique : non seulement on ne saute pas mais on s’agrandit pour franchir des marches ou marcher au plafond ; mais en plus on lance des bombes pour éliminer les ennemis, qui ont une physique imprévisible et un effet à retardement : elles n’affectent pas directement les monstres si elles les touchent, il faut qu’ils soient pris dans l’explosion. Autant dire qu’on passe plus de temps à râler sur les timings ratés qu’autre chose. J’imagine que quelqu’un l’aimait quand même puisque le personnage est devenu la mascotte des compilations rétro Taito depuis.
The Fairyland Story (1985) : un autre platformer d’élimination, cette fois bien plus réussi. Il se rapproche un peu de ce que sera le gameplay de Bubble Bobble l’année suivante : dans des niveaux sur un seul écran fixe se promènent des ennemis qui essayent de nous éliminer. D’un coup de baguette magique on peut les transformer en gâteaux (après tout pourquoi pas) ; si on n’en fait rien ils finiront par se retransformer, et il faudra les pousser pour les faire tomber depuis une hauteur pour qu’ils s’écrasent, de préférence en écrasant d’autres ennemis au passage. C’est simple mais efficace, et son principal défaut est qu’il y a eu des dizaines de jeux du genre plus intéressants depuis.
⭐ Halley’s Comet (1986) : un shooter vertical à la fois old school et plutôt moderne. En effet, d’un côté on a une construction en niveaux basiques et répétitifs avec peu de variété ; mais d’un autre côté, on a différents powerups qui augmentent énormément la puissance de feu, et une fois quelques améliorations ramassées on a des tirs larges et rapides et des déplacements très nerveux, ce qui donne un feeling très agréable à jouer. Le concept est d’ailleurs original, avec des comètes à détruire avant qu’elles n’atteignent la Terre derrière nous, et une base à infiltrer à la fin de chaque niveau. Un jeu que j’aime beaucoup, malgré sa simplicité.
The Ninjawarriors (1987) : créé comme un kit de conversion des bornes Darius pour avoir un autre jeu qui réutilise ses 3 écrans, c’est un jeu d’action dans lequel on incarne un robot ninja neurasthénique, qui avance aussi vite qu’une grand-mère en déambulateur. On élimine des hordes d’ennemis qui se jettent sur nous, et merci à eux parce qu’il leur suffirait de reculer doucement pour qu’on ne puisse pas les atteindre. Le jeu a ses fans, entre autre grâce à ses portages populaires sur Amiga et Atari ST, mais je n’aime vraiment pas le rythme extrêmement lent ; au moins il a une excellente musique. Jetez donc un œil à sa suite qui a un remaster excellent.
Une compilation improbable de jeux qui n’ont pour la plupart rien de marquant, sans doute plutôt destinée à ceux qui aiment découvrir des jeux méconnus. Les autres peuvent se contenter d’acheter Qix, Elevator Action et Halley’s Comet à l’unité.