GRID Autosport

La Switch n’est pas vraiment réputée pour ses jeux de course, et pourtant, entre Mario Kart et ses copies, des jeux indépendants comme Horizon Chase Turbo ou Inertial Drift, et désormais des portages comme Burnout et Need For Speed, y a de quoi faire ; il est bien loin, le temps où les seules alternatives à MK8 étaient le médiocre Gear.Club et le catastrophique V-Rally 4. Mais ce qui manque toujours, ce sont les simulations : il n’y a pas de Project Cars, pas de F1, pas de DiRT, et encore moins de Forza ou Gran Turismo. Les amateurs de « simulation accessible » devront donc se tourner vers GRID Autosport, le seul représentant du genre sur la console.

Répondons tout de suite à la question qui vous taraude : est-ce que GRID Autosport vaut un Forza ou un Gran Turismo ? Cela ne surprendra personne : non, il ne valait pas les Forza/GT de l’époque lorsqu’il est sorti sur Xbox 360 & PS3, et ça n’a pas changé. Mais est-ce un bon jeu de course dans l’absolu ?

La première chose à savoir, c’est que GRID Autosport n’est pas « simulateur de milliardaire qui aime les voitures », contrairement à Forza/GT, mais un « simulateur de pilote » qui fait carrière dans l’automobile, et à qui on prête une voiture le temps d’une saison. On choisit une catégorie, un championnat, une écurie, on fait quelques courses, puis on recommence. On n’achète pas les voitures, on ne peut pas les modifier ni les reluquer, on ne gagne même pas d’argent, juste de l’expérience qui permet de débloquer des championnats plus difficiles ; les courses sont « réalistes » avec des essais, des qualifications, et parfois deux sessions de course ; bref, c’est un jeu purement axé pilotage, comme beaucoup d’autres simulations. Le gros avantage, c’est qu’on a accès immédiatement à des bêtes de course de 300 chevaux ; l’inconvénient, c’est que c’est moins rigolo que lorsqu’on met un moteur de 500ch dans sa Mini pour tenir tête aux supercars.

La progression par championnat donne réellement le sentiment de progresser dans sa carrière : on commence en bas de l’échelle (si on peut appeler des voiture de touring ou des GT3 « le bas de l’échelle »), et au fil de notre montée d’expérience sur chaque catégorie, des championnats se débloquent, proposant des voitures de plus en plus performantes, et des écuries avec de meilleures récompenses. Les championnats sont régulièrement interrompus par des changements de classe pour basculer sur une coupe « rétro » ou une autre catégorie ; tout cela fait qu’on a réellement l’impression d’être dans des événements vraiment cadrés, plutôt que de faire des courses un peu au hasard comme c’est souvent le cas sur Forza/GT. Un aspect étrange cependant : le niveau des écuries choisies détermine les réglages possibles : les moins bonnes ne permettent rien, les meilleures permettent de faire des réglages plus fins, c’est très spécial. En revanche, chaque écurie a ses propres critères de succès, et elles ne demandent pas de terminer en première position dans les premières saisons : un très bon point.

La carrière de GRID Autosport est découpée en cinq catégories. Les touring cars sont des voitures d’apparence normale mais complètement transformées, on y retrouve entre autre du BTCC, du DTM et du V8 Supercars ; les voitures sont puissantes mais encore très maîtrisables, et les épreuves se déroulent en deux manches dont la seconde a une grille à l’envers, ce qui favorise les contacts et les dépassements. En endurance, qui va des GT3 aux prototypes Le Mans, il faut gérer l’usure des pneus sur des courses de nuit, mais sans arrêt aux stands. Les « open wheel » sont des monoplaces de la Formule 3 à l’Indy Car, avec quelques sportives comme l’Ariel Atom, toujours sur des courses mono-modèle ; pas aussi extrême que la Formule 1, c’est ce qui s’en rapproche le plus. La catégorie « tuner » est la plus éclectique, en alternant muscle cars et voitures Japonaises sur des épreuves de course, de time attack et de drift : très complet, mais aussi très perturbant, et le drift ne plaira pas à tout le monde en plus d’être très fastidieux. Enfin, le « street » utilise des voitures de série sur des courses urbaines, de la compacte à l’hypercar de série. Lorsque l’on progresse suffisamment dans chaque catégorie, on débloque un championnat « GRID » qui les alterne, et propose ainsi des épreuves extrêmement variées. Enfin, en jeu libre, il y a des courses de dragster, du BTCC avec des voitures des années 80/90, du sprint en contre la montre sur des routes de type rallye, et un mode « demolition derby » : ils ne sont pas inclus dans la carrière car ce sont des modes ajoutés par les DLC du jeu, inclus dans cette version Switch, mais c’est vraiment dommage qu’ils n’en aient pas profité pour les y intégrer.

Au niveau de la quantité, avec une grosse centaine de voitures on est très loin des 700 véhicules de Forza Motorsport 7, d’autant plus que le jeu datant de 2014, il n’y a pas les tous derniers modèles, et aucune Porsche ni Ferrari ; cela dit, on est dans les mêmes eaux que, par exemple, Project Cars. La variété est bien présente en style, âge, et puissance, mais le découpage en catégories et sous-catégories fait qu’une fois sur la piste, il n’y a souvent que deux ou trois modèles différents ; ce n’est pas très grave, d’autant plus qu’on change sans arrêt de catégorie même à l’intérieur d’un championnat, mais parfois un peu tristounet. C’est quand-même largement suffisant pour y passer du temps et varier les plaisirs, mais n’espérez pas faire la moitié de la carrière avec votre modèle favori, c’est tout simplement impossible. Avec 15 circuits officiels, 2 fictifs, 7 urbains et 4 « sprints », dont plusieurs variantes à chaque fois pour un total de 130 tracés, et une bonne variété en type et environnement de circuit, il y a largement de quoi faire un bon nombre d’épreuves avant de rencontrer de la redondance.

Le premier GRID, qui était déjà le 7e épisode de la série TOCA, était remarquable pour sa conduite assez unique, à un mi-chemin parfait entre les sensations fortes et exagérées de l’arcade et l’exigence de la simulation, et GRID Autosport s’inscrit dans cette lignée : très loin d’un Need For Speed mais plus permissif qu’un Forza/GT, il nécessite de faire attention aux points de freinage et de trouver les bonnes trajectoires pour améliorer son temps, mais les pertes d’adhérence sont facilement rattrapables, même en monoplace, et les réglages possibles sont standards et assez simples. Le principal problème de la maniabilité n’est pas lié au jeu mais à la console et son manque de gâchettes analogiques : les sensations sont très bonnes mais il faut s’adapter à l’accélération au stick droit et aux joycons assez imprécis ; préférez le Pad Pro ou Hori Split Pad Pro, ou même une manette Gamecube si vous avez l’adaptateur adéquat. On compensera en activant les aides à la conduite, mais c’est assez frustrant quand on sait maîtriser Forza/GT sans assistances. Un petit détail un peu énervant cependant : pour empêcher de couper les virages, le jeu nous ralentit de manière arbitraire lorsque l’on dépasse un peu trop, mais avec très peu de cohérence : parfois on peut mettre les quatre roues dans l’herbe sans aucun souci, parfois il suffit de mordre un tout petit peu en-dehors des vibreurs pour être obligé de rouler à 50km/h pendant 10 secondes. C’est particulièrement agaçant en Touring, où la mêlée est tellement dense qu’il est difficile de dépasser sans mordre un peu le bas-côté, et on s’y fait facilement éjecter par l’IA.

L’IA est assez médiocre, du niveau du milieu du panier de la génération PS3/Xbox 360. Les adversaires roulent sur des rails, et nous rentre dedans comme si l’on n’existait pas beaucoup trop fréquemment ; heureusement qu’il est possible de désactiver les dégâts et de mettre des rembobinages infinis, car la crise de nerfs est garantie dans le cas contraire. Le niveau des adversaires est d’ailleurs assez aléatoire : la différence entre chaque niveau de difficulté est énorme, les concurrents font des démarrages canon et partent comme des flèches alors qu’on les double après 2 virages, leur rythme change énormément d’un circuit à l’autre ou en fonction du type d’épreuve (en endurance les adversaires vont à toute allure pendant qu’on roule sur des oeufs pour économiser les pneus), et l’IA de Ravenwest (la meilleure écurie du jeu) est complètement abusée, en prenant la tête de toutes les courses de manière systématique ; c’est supportable, mais l’IA n’est pas vraiment une grande réussite.

Les assistances à la conduite sont assez complètes en allant jusqu’à la conduite automatique de la voiture (accélération/freinage et virages), et le jeu permet une personnalisation très poussée de la difficulté pour gagner plus d’expérience : les classiques niveau des adversaires, transmission ou dégâts, mais aussi durée de la course, affichage de la trajectoire, nombre de flashbacks (retour en arrière), verrouillage de la caméra dans le cockpit, affichage du HUD, etc. A noter que cette version Switch propose un mode « boost d’XP » pour corriger le principal défaut du jeu original : la progression très lente qui obligeait à grinder, problème complètement résolu grâce à ça. Les options sont également nombreuses : personnalisation totale des contrôles avec de nombreuses possibilités, optimisation de l’audio, qualité des graphismes, etc.

Techniquement, GRID Autosport est parfaitement optimisé pour la Switch : il propose un mode « graphismes » à 30fps, un mode « performances » à 60fps avec des détails réduits, et un mode « économie d’énergie » avec les graphismes du mode 60fps mais à 30fps, le tout étant modifiable même au milieu d’une course. Le jeu est très net, très propre, le mode graphismes est vraiment digne de la fin de génération PS3/Xbox 360 avec de nombreux effets et animations en bord de piste, le mode performances est fluide en toutes circonstances, les dégâts sont très bien modélisés, bref, c’est une vraie réussite ; il faudra cependant oublier la météo ou la lumière dynamique. En revanche, on pourra noter une vue cockpit très en retrait : les rétroviseurs, les compteurs et les lumières du rupteur en monoplace ne sont pas fonctionnels, et le tableau de bord subit un effet « texture floue » pas très réussi. C’est d’autant plus dommage que l’immersion de cette vue est très bonne, avec la visibilité réduite et les vibrations constantes. Je regrette enfin un certain manque de personnalité dans les menus, qui sont fonctionnels mais très froids et mécaniques, alors que le premier GRID était bien meilleur à ce niveau-là, sans même parler des menus de DiRT 3 du même développeur, bien plus funkys.

Au niveau sonore, on oubliera bien vite la musique générique du menu pour se concentrer sur les bruitages très réussis, surtout au casque qui est très bien spatialisé : les moteurs craquent et crachent de belle manière, la vue cockpit n’a pas du tout le même rendu sonore que la vue extérieure, et on entend très bien chaque élément du circuit, jusqu’à la musique jouée dans les gradins lorsque l’on passe à proximité. N’hésitez pas à couper les voix du commentateur totalement inutile, ça fait un bien fou.

Le jeu possède des modes multijoueur local et en ligne (ajouté plusieurs mois après la sortie), que je n’ai pas testé.

GRID Autosport est une bonne pseudo-simulation de course accessible, avec une carrière variée et de bonne qualité, malgré un contenu un peu chiche face aux ténors du genre. Même si on reste sensiblement en-deçà d’un Forza ou Gran Turismo, c’est un très bon palliatif, surtout quand on considère qu’il tourne sur une console portable.

Verdict : très bon