Animal Crossing New Horizons

Animal Crossing laisse souvent perplexe ceux n’y ayant jamais joué, et pour cause : c’est une série au style unique, qui défie toutes les conventions de « jeu vidéo » couramment admises. Je vais essayer de décrire rapidement en quoi elle consiste dans les prochains paragraphes ; ceux qui la connaissent déjà peuvent passer directement à la suite.


Je vais commencer par lister ce qu’il n’y a pas : il n’y a pas d’objectif ou de but du jeu, pas de challenge, pas d’ennemi, pas de complexité à maîtriser, pas de tension ni de pression, pas de danger, pas de possibilité de perdre, et pas de possibilité de « gagner » non plus. Si vous ne voyez pas l’intérêt d’un jeu sans tout ça, passez votre chemin.

Qu’est-ce qu’on y fait, alors ? On glande, on bricole, on papillonne, on se détend. On va capturer des insectes, pêcher, planter et arroser ses fleurs, couper et planter des arbres pour arranger l’île à sa guise, remplir le musée avec des insectes, poissons, fossiles et œuvres d’art, vendre des trucs pour gagner de l’argent, agrandir sa maison, visiter les magasins, acheter des meubles et chercher à avoir la plus belle maison possible en essayant d’avoir des « sets » complets, changer de vêtements ou de coiffure, discuter avec les voisins du village, visiter des îles voisines, visiter des amis et admirer leur travail… Parfois, il y a un événement avec des mini-jeux. Le village (ou l’île, dans cet épisode) est peuplé d’animaux mignons, qui ont chacun leur personnalité un peu caricaturale, et qui vont et viennent régulièrement : des anciens s’en vont, des nouveaux arrivent. On va leur parler, ils nous racontent leur vie, ils nous invitent chez eux pour y glander, parfois ils nous demandent de leur rapporter un truc. On peut s’échanger des lettres. Tout le monde est gentil, tout le monde s’aime, tout le monde se fait des cadeaux.

Un aspect très important de la série, c’est qu’elle se déroule en véritable temps réel : si on s’y connecte le jour, il y fait jour ; si on s’y connecte la nuit, il y fait nuit. Ca marche aussi pour les saisons : si on est en hiver il y aura de la neige dans le jeu. Et le contenu s’adapte aussi : les insectes et poissons changent tous les mois, les événements dans le jeu correspondent aux événements réels (pâques, halloween, noël…), etc. Ce ne sont donc pas des jeux que l’on va « finir » en quelques jours ou semaines, mais des jeux qui se lancent chaque jour, tout au long de l’année, pour rencontrer les nouveaux habitants, faire un peu d’aménagement, voir ce qui se passe, regarder les nouveaux objets disponibles en magasin, etc.

Bref, c’est un jeu pour ceux qui veulent se détendre, un jeu « feel good », un jeu qui permet de s’évader, un jeu « très grand public » mais qui ne parlera probablement pas à tout le monde.


Maintenant que vous savez en quoi consiste la série, et quel est le principe général du jeu, quels sont les points forts de cet épisode par rapport à cette description générale de la série ?

Dès le départ, New Horizons donne beaucoup de contrôle sur l’organisation de son île/village : on choisir la forme de l’île avant d’arriver dessus, on décide nous-même de l’emplacement des maisons, et après avoir complété certains objectifs, on peut même faire du terraforming et modifier la structure de l’île à sa convenance : déplacer les cours d’eau, modifier le relief, etc. C’est très agréable de pouvoir placer les éléments pile comme on le souhaite, pour s’affranchir totalement des contraintes parfois un peu pénibles qui nous étaient imposées : ceux qui préfèrent des maisons bien alignées seront aux anges, tout comme ceux qui préfèrent un aspect plus « naturel ».

Une des grosses nouveautés de cet épisode, c’est le bricolage : récolter des ressources sur l’île (bois, pierre, etc.) permet de fabriquer des outils, meubles et accessoires de décoration. Des plans peuvent être achetés, trouvés aléatoirement ou même « inventés » sous certaines conditions, et le jeu devient alors de réussir à trouver tous les plans d’un certain style pour décorer des pièces de sa maison de manière cohérente. Ca se complète avec la boutique, et c’est bien plus intéressant et varié qu’un bête et unique « avoir X clochettes pour acheter un objet ». La récolte de ressources est assez fastidieuse au début, mais on a vite suffisamment de ressources de base pour ne plus avoir besoin d’en récupérer que rarement, et se contenter de faire du jardinage et de la décoration.

Quel que soit le moment où vous jouez, New Horizons propose bien plus d’activités que d’habitude : outre les poissons, insectes et fossiles, le bricolage, la décoration, le jardinage, le terraforming et les discussions avec les autres villageois, il est possible de visiter une île vierge pour essayer de trouver des ressources (fruits, fleurs…) différentes, et des missions « Miles Nook » donnent des petits objectifs en permanence, comme pêcher 5 poissons, arroser 10 fleurs, etc. On est beaucoup moins « largué dans le vide », et il y a toujours quelque chose à faire pour donner l’impression de progresser un peu à chaque fois qu’on lance le jeu, et toutes ces activités permettent même de continuer à jouer en quasi-permanence, alors que précédemment on était vite bloqué par les ressources disponibles, rapidement épuisées.

Comme d’habitude, le rythme est très détendu, et on peut jouer à notre rythme, quand on veut et quand on peut. Mais le gros inconvénient par rapport aux épisodes précédents, et ce n’est pas rien, c’est qu’à moins de changer l’heure de la console et de passer hors ligne, il n’y a pas de réglage de décalage d’heure : si vous ne pouvez jouer qu’après 22h après que les enfants soient couchés, par exemple, vous n’aurez jamais accès aux magasins, et vous allez rater plein de fêtes et d’événements. C’est très frustrant, contradictoire avec l’esprit « jouez quand vous voulez », et très étonnant que ça ne soit pas patché 6 mois après la sortie du jeu.

New Horizons a de nombreux détails pour faciliter la vie des joueurs ou leur permettre de vraiment personnaliser l’île à fond, depuis le plus évident comme le terraforming ou la personnalisation des bricolages, jusqu’aux petits détails comme les indicateurs dans la « bêbêtopédie » pour savoir si un poisson ou insecte a déjà été apporté au musée, la possibilité d’activer un mode spécial pour réaménager facilement et rapidement sa maison, ou l’inventaire qui a été très largement agrandi par rapport aux épisodes précédents.

Paradoxalement, il y a aussi beaucoup de choses qui semblent ralentir volontairement le joueur : les dialogues répétitifs impossibles à sauter, la nécessité d’équiper la perche pour sauter au-dessus des cours d’eau ou l’échelle pour grimper les falaises, l’impossibilité de fabriquer plusieurs objets en même temps, etc. C’est parfois agaçant, bien que ça semble calibré pour empêcher les joueurs de devenir des « power gamers » et de « terminer » le jeu trop vite, et nous obliger à prendre notre temps. C’est un choix de design qui se comprend, mais l’inconvénient, c’est que la lenteur générale se prête assez mal à des sessions de jeu réellement très courtes : si vous avez moins de 5 minutes devant vous, vous n’allez pas avoir le temps de faire grand-chose, mieux vaut prévoir 15 minutes au minimum.

Chaque mois, l’intérêt est relancé par le renouvellement des poissons et insectes, mais aussi par une « fête » spéciale qui demande de fabriquer des objets avec des plans et des ressources uniques. Ca remotive un peu, parce qu’au bout du compte les activités sont quand-même assez répétitives, et on a rapidement sa petite routine quotidienne : faire le tour de l’île pour supprimer les mauvaises herbes, récupérer les fossiles du jour, faire le tour des magasins, donner un peu de sous pour la construction d’une rampe ou d’un pont, etc. Ce n’est pas foncièrement passionnant, mais c’est confortable, routinier, chaleureux, et réconfortant : parfait pour cette terrible année 2020, notamment lorsqu’on est confiné chez soi.

En revanche, si l’on n’est pas un acharné de la déco ni un complétionniste, une fois que l’on a une île et une maison qui ressemblent un peu à quelque chose, l’intérêt chute rapidement et la routine devient monotone. On commence à relancer le jeu moins régulièrement, et c’est là que d’autres mécaniques deviennent problématiques, car le jeu favorise les joueurs qui reviennent tous les jours : les magasins et les ressources se renouvellent, on récupère des bonus de Miles, des PNJ spéciaux peuvent passer nous voir aléatoirement, etc. Le résultat, c’est que quand on saute quelques jours, on a un peu l’impression d’avoir raté plein de choses, et on a tendance à décrocher encore plus ; il faut vraiment réussir à se fixer des objectifs à long terme soi-même, ou vraiment aimer se balader et glander si on ne veut pas finir par laisser son village à l’abandon.

Techniquement, New Horizons est très joli malgré les modélisations un peu simples, avec des textures fines et des shaders un peu partout, ce qui donne un vrai aspect « physique » aux objets et aux décors. Il y a plein d’effets et de détails, comme les plantes qui bougent de manière réaliste sous l’effet du ventilateur dans la maison. Le musée est aussi très réussi, et c’est très agréable de s’y promener ; je regrette seulement que les espèces exposées n’aient aucun descriptif.

Les musiques sont très bonnes, douces et toujours pertinentes, et il y a un gros travail sur les bruitages : les sources sonores sont parfaitement localisées lorsque l’on joue au casque, courir change de son en fonction de la surface, il y a un léger écho dans le musée, etc. Ca donne un léger côté ASMR, et contribue réellement à rendre l’expérience plaisante.

Animal Crossing New Horizons est un jeu parfait quand on est stressé : suivre une routine, faire des activités sans pression et discuter avec les gentils voisins détend énormément. Plutôt orienté « casual gamers », il fera particulièrement plaisir à ceux qui aiment personnaliser et décorer ; les « core gamers » qui veulent du challenge ou simplement « gagner » peuvent passer leur chemin sans regret.

Verdict : très bon